TENDUA - Association pour la sauvegarde de la biodiversité

Des rencontres inoubliables…

France - Vercors

Et si cette année on changeait ?
Et si au lieu d’aller pister le Lynx dans le Jura, on essayait de trouver des indices de présence du Loup dans le Vercors ?
Une discussion intéressante au festival de la photographie de Montier en Der quelques mois plus tôt m’avait incité à essayer avec mes amis Anne et Bruno une quête différente de celle des autres printemps…

Et me voilà parti fin Mars 2009 pour un séjour de 4 jours dans ce Vercors que je ne connaissais pas, mes amis me rejoignant lors des 2 derniers jours du séjour.

Arrivé à l’Auberge du Pionnier, tenue par Rémy Pozzi (guide naturaliste et photographe), j’ai tout de suite été charmé par le cadre sauvage de l’endroit, en limite de forêt et de falaise abrupte, à des kilomètres de toute autre habitation.

Dès l’arrivée, les conditions s’annonçaient favorables : une couche de neige récente favorisait les relevés d’empreintes, les biches étaient nombreuses dans les prairies ou la neige fondait, et on me signala une biche tuée 15 jours plus tôt très probablement par un groupe de plusieurs loups…

J’ai passé les 2 premières journées seul, à prospecter différents secteurs en essayant de relever des indices intéressants, et à faire quelques affûts en lisière de forêt. Les résultats étaient déjà prometteurs, puisque des traces de grand canidé solitaire avaient été repérées sur une piste enneigée et de nombreuses observations et photos de la faune locale réalisées (biches, cerfs, chevreuils, renard,….)


Le 19 mars…

Le 3e jour, mes amis m’ont rejoint et nous avons continué ensemble les recherches entreprises.
Nous avons exploré un secteur très isolé, où nous avons trouvé dans la neige fondante les traces alignées d’un grand canidé, avec quelques mètres plus loin une crotte contenant de nombreux poils… La probabilité de se trouver en présence d’indices de loup nous paraissait forte …

« un cadavre de biche, fraichement tuée… »
O. Güder

Puis nous avons continué à prospecter, et dans une forêt bien enneigée nous avons fait une découverte décisive : un cadavre de biche, fraichement tuée, et à moitié dévorée…. La neige, qui était restée gelée sous les arbres (il faisait largement en dessous de zéro) n’avait pas permis aux traces de marquer, mais pour nous le doute n’était plus permis : l’œuvre du loup était là, devant nous !! Et il allait peut-être venir terminer sa proie…

Après quelques minutes d’hésitation, nous décidons de saisir cette opportunité exceptionnelle et d’installer un affût, au cas où…
Un alignement dans les arbres est trouvé, qui nous permet d’observer le cadavre de la biche 80 mètres en contrebas avec le vent de face. Nous amassons rapidement un tas de branches mortes, de manière à pouvoir nous dissimuler le mieux possible.
Mais avec ce froid vif, il est indispensable de s’équiper très chaudement si nous voulons rester plusieurs heures immobiles dans la neige…

Heureusement, nous avons fait cette découverte en début d’après-midi, et en faisant vite nous avons le temps de retourner rapidement à l’auberge pour nous équiper le plus chaudement possible (j’ai mis 6 épaisseurs … !).
Puis 2 heures plus tard, nous revenons nous mettre en place derrière notre affût, non sans avoir largement contourné la biche pour ne pas laisser d’odeur à proximité de celle-ci.

Un peu avant 18h l’attente commence…
Au bout de 40 minutes, un renard arrive… Il tourne longuement avant de s’approcher de la biche, sans doute inquiet à cause de l’odeur laissée par les loups, puis finit par aller déguster de la viande fraiche pendant une quinzaine de minutes.
Puis il s’en va, et l’attente continue…

Bientôt le jour décline fortement, et la vision diminue progressivement. Heureusement la journée avait été fort belle, et la neige permettait de maintenir longtemps une certaine visibilité dans les sous-bois.
Il est presque 20h, et nous commençons à nous poser des questions, car nous sommes immobiles depuis 2 heures, la visibilité devient limite, et malgré notre équipement le froid commence à se faire bien sentir…

Et soudain un mouvement …Dans nos jumelles sont apparues 1, puis 2, puis 3 grandes silhouettes passant entre les arbres et se détachant nettement sur la neige…Les loups !!! Ils sont là !!!

Nous observons leurs silhouettes tourner à proximité de la biche, passer furtivement entre les arbres et se rapprocher progressivement de leur repas. Ça y est : ils sont sur le cadavre ! Assez rapidement ils tirent la biche de quelques mètres et la mettent en dehors de notre vue, mais nous entendons distinctement dans la nuit les os déchiquetés sans ménagement.
Ils sont là depuis une quinzaine de minutes, mais maintenant il fait complètement nuit et nous ne les voyons plus. Nous continuons juste à entendre le bruit de leur festin…
Nous décidons alors de repartir le plus discrètement possible, en faisant un large détour dans la forêt pour essayer de ne pas les déranger.

Nous restons silencieux pendant notre trajet jusqu’à ce que nous retrouvions la piste plusieurs centaines de mètres plus loin, et enfin certains d’être suffisamment éloignés nous laissons enfin nos émotions s’exprimer à voix basse… Quelle chance incroyable nous avons eue : observer des loups sauvages, en France !
Pour moi qui ait souvent lu les récits passionnants de Robert Hainard, je me serais cru dans une de ses histoires, quand soudain après des heures ou des jours d’attente ….

Nous rejoignons l’auberge, où nous faisons part discrètement de notre superbe rencontre. Nous décidons avec Rémy de garder la confidentialité sur cette observation, et surtout sur le lieu de celle-ci, car malheureusement le loup n’a pas que des amis…
Et très vite, nous décidons d’y retourner le lendemain à l’aube…


Le 20 Mars à l’aube…

Bien avant le lever du soleil, nous voilà de nouveau équipés et partis… Le temps d’arriver sur place, les premières lueurs du jour sont là, et nous approchons doucement de l’endroit fatidique. En arrivant, nous apercevons de loin un renard sur la proie. S’il est là, les loups ne sont donc plus dans les parages ! Mais rapidement le renard s’éloigne…
Ne pouvant retourner discrètement à notre affût de la veille, car la neige gelée crisse fortement sous les pas, nous décidons de nous accroupir derrière des sapins à proximité de la piste forestière, et d’attendre un moment, au cas où….

Je surveille la piste, et mes amis surveillent les restes de la biche qui se trouvent à une soixantaine de mètres de là. La lumière commence à arriver, et j’ai préparé mon appareil, monopode bien calé sur les racines de l’arbre.
Nous n’y croyons pas trop, mais après tout, qu’est-ce qu’on risque ?

« Aussitôt un loup apparaît… »
O. Güder

Au bout de 10 minutes, mon attention est attirée par un mouvement en lisière de piste à environ 70 mètres de là… Aussitôt un loup apparait, et traverse tranquillement la piste en flairant les odeurs… Je réussis à faire 3 ou 4 photos pendant ce bref passage. Le bruit de l’appareil a alerté Anne et Bruno qui n’ont rien vu, et me regardent interrogatifs. Je leur chuchote, tout ému : un loup … !!!!

« Il s’arrête sur le bord de la piste… »
O. Güder

Entretemps, il est descendu dans une petite combe où nous l’apercevons furtivement entre les arbres, se dirigeant vers les restes de la biche. Je me réinstalle différemment derrière mon arbre, pour trouver un alignement qui me permette d’apercevoir une partie de la proie, persuadé que le loup s’y dirige directement.
Mais celui-ci tourne et hésite, et finalement se dirige de nouveau vers le bord de la piste un peu plus près de nous… Je suis obligé de rechanger de position le plus doucement possible et de réorienter mon appareil. Le loup va sortir, il arrive… : il est là , et s’arrête sur le bord de la piste, parfaitement dégagé, à 50 mètres de nous !!

« Il passe en courant et disparait… »
O. Güder

A ce moment là, mon monopode, que j’ai déplacé en bougeant, s’enfonce brusquement dans la neige… Catastrophe, plus aucun appui !!! Le loup est là, bien visible, immobile, intrigué …
Enfin je réussis à trouver un appui et à déclencher 3 fois. Le loup a été alerté, et au bout de quelques secondes il fait demi-tour et repart en courant.
Je me prépare à le voir retraverser la piste, ce qu’il fait presque aussitôt, et je réussis à le photographier de nouveau lorsqu’il passe en courant et disparait dans la forêt enneigée…

Une fois de plus, nous n’en revenons pas de la chance que nous avons eue… ! Pouvoir observer dans le jour naissant un loup pendant quelques minutes, et terminer par ce face à face qui a sans doute duré une vingtaine de secondes…
Quelle émotion, quelle rencontre, quelle observation, qui est venue s’ajouter à celles de la veille au soir !
Avec en prime quelques photos à la clé, qui même si elles ne sont pas d’une qualité irréprochable, nous laisseront un beau témoignage de ces rencontres exceptionnelles et inoubliables !

Oliver Güder

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